Au réfectoire, Émilie me raconta comment elle s’était retrouvée ici. Ses parents projetaient d’emménager dans le coin et ils avaient donc envoyé leur fille en pension pour attendre sagement leur arrivée.
- Et toi, me demanda t’elle, tu viens d’où ?
- C’est compliqué et sans intérêt. Je me mordis la lèvre. Bravo Vince, typiquement le genre de réponse qui attise la curiosité.
- Je parie que tu es du signe du polisson, je me trompe ?
- Oui complètement. Je suis du serpent ascendant glissant.
- Ha ha très drôle monsieur l’insaisissable ! dit-elle en me donnant un petit coup de poing sur l’épaule comme si nous étions de vieux potes.
Ce petit coup de poing me réconforta. Émilie était si directe, si naturelle.
- Je vais te faire une confidence me dit-elle, je me sens un peu touriste dans cette classe.
Si elle savait à quel point moi aussi je ressentais ce mélange de mélancolie et de détachement. Je n’eus pas l’occasion de lui dire parce que le bruit sourd d’une explosion nous parvint. Imitant les badauds, je fonçais vers le sinistre. C’était le bureau du professeur Borrow, une fumée âcre se glissait sous la porte et forçait les curieux à reculer. Un rire guttural acheva de nous convaincre qu’il se passait des choses vraiment bizarres à l’intérieur. Au moment où j’attrapais la poignée, la porte s’ouvrit. Borrow remplissait le cadre et m’empêchait de voir l’intérieur de la pièce. Sa voix était calme mais profonde :
- Ce qui se passe dans ce bureau ne vous concerne pas, entendu ?
Il fixa certains d’entre nous avec un regard insistant, un regard digne d’une séance d’hypnose. Pour ceux qui l’avait reçu en pleine face, il était plus sage de se convaincre qu’il ne s’était effectivement rien passé plutôt que de risquer davantage la colère de Borrow. Quant à moi, je pris la décision d’explorer son bureau le soir même.